Audite nous ouvrait en 2007 les archives de la Radio de Cologne avec un génial doublet Dietrich Fischer-Dieskau (Schumann et Brahms, cf. n° 548), suivi l'an dernier de documents berlinois (cinq CD centrés autour de Wolf, Beethoven et Schubert, cf. n° 565). La plupart des gravures dataient des années 1950. Les quatre nouvelles parutions reprennent en couverture des portraits du jeune baryton, mais nous offrent des enregistrements (de radio, là encore) bien ultérieurs – la plupart renvoient aux années 1970 voire à 1989.
L'éditeur nous promet des inédits, et nous invite au jeu des comparaisons avec les studios Emi et Deutsche Grammophon de la même époque. Pas sûr qu'après Barenboim et Richter, le clavier passemuraille de Tamas Vasary justifie un retour vers des Brahms déjà honorés au mieux. A la vigoureuse clarté du chant, à la véhémente autorité des mots et à leur humanité, le piano ne répond souvent que de manière objective et plate.
Barenboim est lui bien présent et actif, mais immergé dans un ensemble mahlérien ouvertement conçu pour l'orchestre. Passés les lieder de jeunesse où la voix mixte du baryton joue les ténors déliés, la table d'harmonie du pianiste ne suffit pas dans les Rückert, moins encore dans les Chants d'un Compagnon errant ou le Knaben Wunderhorn, à calmer une certaine frustration. Reste les prouesses sans filet du chanteur en équilibre sur la crête de l'ironie blafarde.
La voix domine sans partage quand la capiteuse Julia Varady épouse à ses côtés les courbes des duos schumanniens, ceux particulièrement des Opus 37, 34 et 78, pour ténor (sic) et soprano. Retour en 1951, avec Beethoven et ses Lieder von Gellert, bien supérieurs à la relecture émaciée de 1982.
Les raretés sont à chercher du côté de Reger, de ses chants sacrés avec orgue, où la voix se diapre d'angélisme, de la catharsis religieuse du Suisse Sutermeister et enfin du grand Hindemith. Celui que ce dernier nommait son «barde» déclame comme personne la fine fleur du romantisme allemand, revisitée par le plus secret des maîtres. Rien de Fischer-Dieskau ne méritant l'oubli, on complétera la somme de ses gravures d'exception avec ces instantanés sans apprêt, images éclatées de sa haute maturité artistique.